« Transformons la communication » – Les États Généraux de la Communication

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Les États Généraux de la Communication se sont ouverts ce vendredi avec l’accueil de Mercedes Erra, Fondatrice et Présidente de BETC Groupe et Présidente de l’Association pour les actions de la Filière Communication, et de Franck Gervais, Président de l’Union des marques. Les deux intervenants annoncent le thème principal de cette première édition : la possibilité de conjuguer communication et durabilité.

Mercedes Erra, à l’origine de l’initiative, indique que les réflexions de ces derniers mois autour de la thématique de la consommation nous montrent l’importance des soucis climatologiques, et comment les inégalités sociales persistent ou non. Pour répondre à ces défis, il sera nécessaire de mieux expliquer les métiers et les rôles de la communication, et de collaborer à grande échelle.

Les attentes sont fortes comme l’explique Franck Gervais. Suite à l’étude menée sur le regard des Français concernant la transition écologique et la consommation en octobre par l’UDM en octobre, on constate que 80% des français pensent que les entreprises doivent jouer un vrai rôle dans la transition. 89% des répondants attendent que la pub joue un rôle d’aiguillon pour une société plus responsable

L’objectif est clair et complexe à la fois : l’essentiel est d’allier responsabilité et consommation, engager des marques qui vont promouvoir un avenir utile et responsable, responsabiliser chacun et ouvrir le débat. La conférence s’organisera donc autour d’une première discussion introductive, et ensuite de trois débats autours des problématiques liant consommation et défi écologique.

Franck Gervais et Mercedes Erra (à droite) ont introduit les différents débats en rappelant l’importance de faire dialoguer communication et durabilité.

Jeunesse et responsabilité : que dit et pense la nouvelle génération ?

De nos jours, les jeunes, futurs diplômés et employés de demain, sont de plus en plus sensibles à la cause environnementale et s’engagent de manière plus responsable. Un constat que Clément Boisseau, Global Chief Strategy Officer chez BETC, vient corroborer à l’aide de chiffres éloquents : 92% des 15-25 ans veulent un travail en accord avec leur valeur. 90% des 25-35 ans souhaitent avoir un emploi qui a une action positive sur la société. Et 50% des 18-24 ans accepteraient d’être moins rémunérés si leur travail agissait positivement sur la société.

Maelys Truet, Vice-Présidente du Bureau des Juniors de l’AACC, Consultante Marque & Design chez Babel, rejoint ce constat et ajoute, qu’au-delà de la publicité et de l’urgence climatique, « il faut questionner plus globalement le rôle de notre métier et son utilité aujourd’hui. Loin de déguiser une vérité, la communication peut porter haut les transformations, les accompagner et les raconter ». La communication est un métier d’écoute, certes de ses collaborateurs mais aussi de la société. Elle doit accompagner les marques dans un déplacement qui crée des valeurs non seulement économiques mais aussi sociétales.

Pour Thomas Lec’hvien, Président du Bureau des Juniors de l’AACC et Directeur Conseil chez Marcel, il est aussi question d’envisager la publicité et la communication comme un acteur de changement. « L’innovation et la créativité sont moteurs de progrès. Cela tombe bien car ce sont deux des compétences principales de la communication. Nos métiers peuvent créer des changements et avoir un impact réel ». Plus encore, selon lui, en tant que communiquant, proche des décideurs, « il faut tendre vers ce qu’aujourd’hui la société devrait tendre davantage ».

Tous ces changements sont déjà patents au sein du secteur. Nombreuses marques ont profondément changé leur modèle afin de réfléchir sur comment mieux et moins consommer de l’énergie. Adaptation des offres, des services, de la communication, etc. le tout en vue de changer les usages. C’est notamment le cas des campagnes d’intérêt général qui ont permis des changements de comportements. « Si aujourd’hui vous montez dans votre voiture et mettez votre ceinture de sécurité de manière automatique et naturelle, c’est parce que vous avez eu depuis les années 70 des campagnes qui en faisaient la promotion », illustre Maelys Truet.

On le voit, le secteur a bien conscience de la force transformatrice de la communication. Reste plus qu’à l’utiliser sciemment et massivement pour répondre à l’urgence de la situation.

Nouvelles consommations, nouveaux imaginaires

Pour ce premier débat, les intervenants sont Bertille Toledano, Présidente de BETC France et Présidente de l’AACC, Philippe Moati, Co-fondateur de l’ObSoCo et Jean Jouzel, Climatologue et Membre de l’Académie des Sciences. Le sujet tourne autour d’une question principale : « Comment la communication peut favoriser la transition écologique ? ». Tous experts dans leur domaine, ils partagent leur point de vue.

Bertille Toledano adopte un point de vue historique, invitant au recul. Elle rappelle que depuis les années 60, la consommation par individu a triplé en France, et que l’expression (discutée) de « société de consommation » a en réalité ouvert les portes du confort, du progrès, et d’un imaginaire positif. L’imaginaire de la consommation a aujourd’hui changé, et implique une remise en question de l’utile. Une nouvelle consommation, raisonnée, est en train d’émerger.

Face à ce constat, Philippe Moati explique qu’il y a effectivement une reconsidération de la consommation. L’importance est aujourd’hui accordée à l’expérience. Il faut désormais faire comprendre que la valeur ne vient pas du produit, mais de l’appropriation et la consommation de ce dernier. Il faut se concentrer sur l’expérience de la consommation et revenir aux fondamentaux : « Obtenir des effets utiles, ce n’est pas avoir, c’est être. ». L’essentiel devient la valeur d’usage, et non plus la valeur d’échange. Il faut donc réussir à conjuguer les deux en favorisant l’innocuité, l’impact environnemental et l’épanouissement personnel durable. Tout cela peut être réuni en vendant des services et non plus des biens. Cela implique des changements profonds au niveau économique pour les entreprises.

Jean Jouzel remet ce bilan en lien avec le besoin d’avoir une vision générale et commune de la durabilité, en s’appuyant sur les objectifs internationaux et les conventions citoyennes. Il n’y a, selon lui, plus d’ambiguïté sur ce qu’il faudrait faire pour respecter les objectifs ambitieux de la loi française, mais c’est un défi collaboratif pour lequel il faut se mobiliser dès maintenant, tous ensemble.

De gauche à droite : Bertille Toledano, Marie Drucker (animatrice), Philippe Moati, et Jean Jouzel.

La communication, sa contribution à une société plus vertueuse

Pour ce deuxième débat, ce sont Bertrand Cizeau, Directeur de la Communication et Directeur adjoint de l’engagement d’entreprise chez BNP Paribas, Arnaud Leroy, Président Directeur Général ADEME, Marianne Siproudhis, Directrice générale de France Télévisions Publicité et Amandine Roggeman, Membre de la Convention Citoyenne pour le Climat, qui ont pris tour à tour la parole pour témoigner du rôle essentiel de la communication.

La transformation. C’est en se transformant que la communication peut jouer son rôle clé, selon Bertrand Cizeau. « Il faut que la communication se pense en évangélisateur sincère de toutes les transformations et les nouveaux usages qui sont à l’œuvre dans les entreprises ». Mais, concrètement, comment la communication peut-elle soutenir cela ? La publicité doit continuer à créer du désir. Elle doit beaucoup plus mobiliser ses messages et ses investissements sur ces nouveaux usages et ces nouvelles représentations sociales. Enfin, « il y a aussi une accélération qui doit être mise en place en termes de transition responsable. Si la communication ne le fait pas, le risque de décalage peut devenir réel. »

Dans son message aux États Généraux, Aurore Berge, Députée Présidente déléguée du groupe La République en Marche à l’Assemblée nationale, absente lors de l’événement, revient sur l’importance de la publicité, force économique extrêmement puissance qui garantit la pluralité de la presse, entre autres. Elle insiste sur son rôle puissant de prescription pour faire changer les comportements des hommes, des femmes et des enfants. Arnaud Leroy valide l’aspect prescriptif de la publicité : « Nous sommes persuadés que par un message, par une fabrication de récits, d’imaginaires, d’exemples positifs, la communication a un rôle essentiel. Nous devons construire la nouvelle société. Il ne faut pas le faire par idéologie économique ou partisane mais par souci de survie de l’espèce ».

De son côté, Marianne Siproudhis, ajoute que les médias, eux aussi, ont le même rôle à jouer que la communication. « Il est indiscutable que les médias doivent prendre part à la transition responsable. Les médias révèlent les attentes des Français, ils les observent, ils les informent dans la confiance. Ils font émerger une nouvelle société responsable et sont au cœur de l’écosystème de la communication. »

Amandine Roggeman rappelle que la publicité est un levier qui a été identifié par la Convention citoyenne. « C’est un levier car elle peut amener une information sur les dangers, les risques d’usage ou les aspects meilleurs d’un produit mais aussi parce qu’elle peut recréer ce désir de consommation vertueuse ». Ces comportements vertueux initiées par la publicité doivent être choisis et non subis. Ils s’inscrivent dans un futur plus durable en prenant compte de l’impact climatique.

Par ailleurs, Bertrand Cizeau précise que la transition ne peut se faire que si elle préserve les équilibres économiques notamment lorsqu’ils sont fragiles. Or, les médias, eux aussi, sont indispensables dans la transformation de la société. C’est pourquoi il ne faut pas les réglementer trop strictement. « Chaque euro investit compte double, il compte pour la pertinence de la campagne et pour l’utilité de la société. La transition doit être bénéfique aux médias qui fabriquent l’information responsable. »

A cet égard, Marianne Spiroudhis est convaincue qu’il faut prôner l’incitation et non l’interdiction. C’est-à-dire que la communication n’est pas le problème mais la solution dans la transformation de la société. « Il faut aider les français à mieux consommer en les informant et en mettant à l’honneur des entreprises vertueuses sur la diversité. » Arnaud Leroy soulève un autre débat sur la question : « Si on autorise la mise sur le marché de produits ‘climaticites’, il faut alors réfléchir à l’interdiction de ces produits et ne pas seulement faire porter la responsabilité aux annonceurs ou aux médias ».

Force est de constater que la communication n’est pas la seule responsable dans la conscientisation des citoyens comme le remarque Amandine Roggeman qui vient temporiser son pouvoir. « La communication n’est pas le seul relais. » L’éducation, l’affichage des produits, etc. ont également un rôle à jouer dans la transition. « C’est un ensemble, la communication ne peut pas faire tout toute seule. » Tout est question de responsabilité collective.

Cizeau

Bertrand Cizeau, Directeur de la Communication et Directeur adjoint de l’engagement d’entreprise chez BNP Paribas, évoque l’importance de la transformation pour permettre la transition écologique.

La communication, sa gouvernance et ses possibilités d’évolution

Pour ce dernier débat, quatre intervenants de renom : Thierry Libaert, Conseiller au CESE et chercheur au Earth & Life Institute, Laura Boulet, Directrice générale adjointe à l’Union des marques, Stéphane Martin, Directeur général de l’ARPP et Gautier Picquet, CEO de Publicis Media et Président de l’UDECAM. Le thème de ce débat amène naturellement à une question commune : quelles sont les possibilités d’évolution pour la communication de demain?

Gautier Picquet ouvre la discussion en confirmant qu’il est indispensable de se transformer : il ne s’agit pas tant d’une révolution, mais d’une démarche active d’évolution. Il faut donc faire le point sur ce qui fonctionne ou pas, ce qu’il faut optimiser, créer, mais également monitorer voire sanctionner si nécessaire. Gautier Picquet souhaite conjuguer gouvernance éclairée et régulation, le tout sur un fond de collaboration : il souhaite instaurer des KPI’s communs, nourrir le débat, et travailler ensemble afin de favoriser une meilleure gouvernance et que la pub participe à la transition écologique.

Après avoir participé au rapport sur le modèle publicitaire français et sa compatibilité avec les enjeux écologiques pour le ministère de la transition écologique, Thierry Libaert met en évidence le besoin de se tourner vers l’imaginaire et les pratiques de consommation. Il propose d’améliorer la gouvernance et la composition de celle-ci, en impliquant également des acteurs écologiques et citoyens. Il rappelle également que la publicité n’est pas le cristallisateur des dysfonctionnements de la (sur)consommation actuelle. On contraint la publicité, mais pas le marketing par exemple : il faut avoir une vision globale.

Laura Boulet soutient ce désir d’améliorer la gouvernance actuelle, et présente brièvement le programme Fair. Ce dernier aide les responsables de publicité à travailler sur tout le cycle de vie des produits de consommation, et tous ses aspects. Le programme propose par ailleurs des outils qui permettent non seulement au pub d’éviter les agissements contraires à la transition écologique, mais aussi et surtout de favoriser les bons comportements environnementaux, tels que mettre en scène du tri sélectif, du covoiturage et de l’achat en vrac.

Dans la continuité, Stéphane Martin rappelle qu’au-delà des normes imposées au domaine de la communication, un dispositif d’autorégulation et d’évolution a déjà été mis en place et fait ses preuves. Le dispositif d’autorégulation va se baser sur des engagements et des consensus. Les responsables vont ainsi respecter les règles françaises, parmi les plus exigeantes, mais également aller plus loin. Les règles sont coconstruites par les professionnels et les associations impliquées. Le but est donc d’accompagner à tous les stades de la création, en triant ce qui va et ce qui ne va pas, par le contrôle certes, mais également par le management.

Tous s’accordent sur l’urgence de la situation et de la crise écologique. Il est nécessaire d’exploiter la convention citoyenne et de remettre en question les stéréotypes publicitaires au travers de référentiels, grilles de lectures, et autres outils. Pour in fine faire changer les comportements, il faudra également faire participer tous les acteurs de cette crise, tels que l’état, déjà inverti dans la sensibilisation, mais le citoyen lui-même. Il n’est plus temps de l’entre-soi, mais de la collaboration.

Thierry Libaert conclura ce débat en rappelant que certes, la publicité classique doit mettre en marche de nouveaux projets durables, mais qu’il ne faut pas négliger la publicité digitale, de plus en plus courante et beaucoup moins bien surveillée. Il est donc indispensable d’appliquer le cadre législatif déjà existant à tous, mais aussi de compenser les manquements actuels, afin d’agir fort et vite.

Gautier Picquet, CEO de Publicis Media et Président de l’UDECAM, invite tous les acteurs de la communication à travailler à l’unisson et non en s’opposant.

Des engagements concrets et durables

Cet événement aura servi de première étape, de moment de rencontre propice à l’échange. Force est de constater que tous les intervenants vont dans la même direction et que le secteur, de manière générale, se veut acteur du changement dès maintenant. En effet, il importe désormais et dans les mois à venir d’avoir des objectifs communs et de s’engager. Des engagements concrets et responsables à prendre collectivement.

« Nous avons tous un rôle à jouer, il ne faut plus s’opposer mais être dans la co-construction. Transformons nos métiers pour que la publicité serve à la transition écologique », conclut Gautier Picquet. Voilà un défi urgent qui s’annonce complexe pour la communication.