[Compte rendu] 13e Rencontres de l’Udecam : New Deal Media, pour une biodiversité des médias

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Ce jeudi, les Rencontres de l’Udecam rassemblaient le monde des agences pour une matinée inspirante sur l’avenir des médias. Durant quatre heures, les intervenants se sont succédé sur scène pour insister sur la nécessité de faire vivre les médias dans toute leur diversité. Retour (condensé) sur cette matinée chargée.

Raphaël de Andréis, le président de l’Udecam, a ouvert la séance en interpellant l’assemblée sur le rôle que les agences doivent jouer dans la conservation d’une pluralité média. S’il a été tentant de se lancer tête baissée dans le monde du digital et ses grandes plateformes, ces géants ont démontré leurs limites et le secteur est désormais conscient qu’il doit adapter ses manières de faire pour mieux conserver la biodiversité des médias, et par là permettre une meilleure différenciation de chacun d’eux, qui avantage finalement tout le monde, consommateur comme annonceur.

Le Ministre de la Culture Franck Riester a ensuite pris la parole pour rappeler son engagement dans le maintien de la qualité du paysage médiatique français.

Au lendemain des concertations sur la future réforme de l’audiovisuel, le ministre a tenu à réaffirmer l’importance de ce texte pour la souveraineté culturelle de la France. Cette réforme, qui devrait entrer en application dès l’année prochaine, prévoit notamment l’autorisation de la publicité segmentée/géolocalisée à la télévision, l’assouplissement des règles en matière de cinéma, ainsi que la fusion du CSA et de la Hadopi.

Cela ajouté aux autres travaux entrepris par le Ministère (réforme du droit d’auteur, droit voisin…) sont autant d’actions qui visent à défendre les médias français face aux géants GAFA et à la concurrence d’Internet, jusqu’alors avantagée par des lois qui ne sont plus adaptées aux réalités actuelles.

1ère Partie – Médias : la richesse, c’est la diversité

Durant cette première partie, plusieurs acteurs du monde média ont réaffirmé l’importance de la diversité du paysage médiatique et ont exposé les changements entrepris afin d’embrasser l’ère du numérique.

Anna Batson (Guardian) a présenté la méthode choisie par le quotidien britannique lors de sa transformation digitale : changer sa manière de penser, en gardant surtout à l’esprit la confiance des lecteurs est primordiale. Sybile Veil (Radio France) s’est réjouie du succès du média radio, et de tout le potentiel qui l’entoure avec, entre autres, l’essor des podcasts. Radio France, qui lancera bientôt la radio personnalisée, veut accompagner ses auditeurs partout en leur donnant la possibilité de choisir ce qu’ils veulent écouter, et en leur proposant du contenu toujours plus qualitatif.

Matthieu Elkaim (Ogilvy) a abordé l’affichage extérieur, lui aussi en pleine mutation. Son message : pour communiquer de façon efficace, pour converser avec les gens, il est primordial de leur parler dans leur propre langage. Le OOH doit devenir conversationnel.

Philippe Carli (Groupe EBRA) a mis en avant la qualité de l’engagement de la PQR auprès de ses lecteurs. La presse locale ne faiblit pas et se réinvente pour mieux informer les gens là où ils sont. Au sein du groupe EBRA, les rédactions évoluent. Il ne s’agit plus de relayer tel quel (ou presque) ce qui se fait en print sur le digital. Dorénavant, l’ensemble des rédactions travaillera selon une grille de programme. Elles produiront tout au long de la journée des contenus enrichis autour d’informations locales mais aussi de services. L’info sera ensuite distribuée de la meilleure façon pour toucher le lecteur là où il est. Par ailleurs, le groupe va créer une académie pour former ses journalistes au digital.

Pierre Louette (Les Echos Le Parisien) a lui plaidé pour un journalisme de qualité. Il a notamment appelé à un dialogue équilibré avec les plateformes digitales, insistant sur le fait qu’il ne faut pas lutter contre elles, mais composer avec elles. La biodiversité c’est de l’adaptation, c’est en travaillant ensemble que les médias parviendront à revaloriser l’information et lutter contre les infox.

Nicolas de Travernost, patron du groupe M6, et Marc-Olivier Fogiel, nouveau DG de BFM TV, ont tous les deux abordé leur travail de fond pour adapter au mieux la production télévisuelle à l’ère du numérique. Que ce soit via les plateformes SVOD, OTT, … ou encore la publicité adressée sur lesquelles travaille énormément le groupe M6, ou via le développement de formats spécifiques digitaux, avec le lancement chez BFM d’un journal exclusivement diffusé sur Facebook, les initiatives sont nombreuses et prouvent que la télévision a encore de belles années devant elle.

2e partie – Les « nouvelles espèces » : nouvelles plateformes, nouvelles écritures

Les intervenants qui ont suivi ont véhiculé un message commun : authenticité et créativité doivent être les moteurs du développement sur les nouvelles plateformes. Jeff Miller (Snapchat), Emilie Nguyen (Pinterest) et Inam Mahmood (Tik Tok) ont tous illustré par des exemples concrets que les jeunes recherchent sur ces plateformes des contenus originaux et authentiques créés sur-mesure. Geoffrey La Rocca (Teads) a rappelé l’importance du contexte. Teads œuvre pour assurer aux marques un contexte de qualité, car c’est essentiel pour attirer l’attention du consommateur.

Louis Dreyfus (Le Monde) et Laurent Solly (Facebook) ont ensuite présenté les différents partenariats développés entre le quotidien et le réseau social. Outre leur partenariat en matière d’abonnements, Le Monde et Facebook collabore sur un outil de Fact checking. Le duo a aussi annoncé le lancement de « Plan B », une série vidéo créée spécifiquement pour Facebook Watch, centrée sur les enjeux environnementaux. Ces collaborations permettent de renforcer la qualité informative sur la plateforme, mais aussi d’améliorer le recrutement d’abonnés digitaux pour le journal. Tout le monde y gagne.

3e partie – Marques : New Deal, nouvelles opportunités

Franck Gervais (UDM – Accor) est revenu sur le pari de la chaîne hôtelière Ibis, qui a totalement réinventé ses hôtels. Pour ce faire, le groupe AccordHotels a notamment miser sur la musique en organisant des concerts ainsi qu’un concours dans 17 hôtels Ibis partout en Europe (les gagnants se sont produits au Festival à Sziget). La musique, empreinte de la marque Ibis, a su réunir les clients et renforcer leur confiance dans le groupe hôtelier.

Trois cas d’école ont ensuite été présentés à l’assemblée. Sébastien Guigues (Seat France) et Geoffrey Hayat (Re-mind PHD) ont expliqué les retombées positives de leur choix de miser sur le placement de produit intensif pour assurer le lancement de la gamme de SUV Seat. Alexandra Mauraisin (Groupe La Poste) et Paul Boulangé (Starcom) ont, eux, montré comment la Poste a réussi à présenter ses nouveaux services en misant sur la proximité avec les citoyens. « La Poste n’alloue pas un budget à chaque média, mais se demande comment toucher ses consommateurs là où ils sont, et cela fonctionne ». Elodie Perthuisot (Carrefour), Sylvia Tassan Toffola (TF1 Publicité) et Laurent Broca (Havas Media) sont revenus sur la campagne « Act for Food » de Carrefour, qui valorisait les efforts du groupe en matière d’alimentation équilibrée auprès de ses clients. Le trio a notamment commenté le choix de spots publicitaires live sur TF1. Un pari risqué, mais payant.

Sylvia Tassan Toffola (TF1 Publicité), comme d’autres, a tenu à rappeler à tous l’importance de souscrire au label « Digital Ad Trust » : « Investir dans les sites labellisés Digital Ad Trust est un acte militant. »

Ensuite, Daniel Kretinsky, le milliardaire tchèque qui a récemment racheté plusieurs titres de presse (Marianne, Elle, …) aujourd’hui rassemblés au sein de CMI Media, et qui détient une participation importante dans le groupe le Monde, a pris la parole en français (« la langue qu’il adore plus qu’il ne la maîtrise »). Il a expliqué ses intentions quant à ses différents investissements en France, notamment dans la presse papier.

Pour lui, la démocratie passe par l’information des citoyens, et la presse est le pilier du journalisme responsable. Kretinsky a insisté sur la nécessité de défendre la presse papier et le journalisme de qualité, nécessaires aux citoyens pour connaître, suivre, s’intéresser et participer à la politique. Il a aussi lancé un appel au monde politique et aux GAFA. Selon lui, le rééquilibrage du paysage média ne peut se faire que par une étape de législation. Les GAFA ont aussi leur rôle à jouer; ils doivent se responsabiliser, agir comme des entreprises média, afin d’assurer la démocratie et lutter contre les intox.

Enfin, Roch-Olivier Maistre, Président du CSA, a abordé les enjeux du CSA dans ce contexte de transformation. L’institution, qui n’a pas vocation à jouer les gendarmes, mais à conseiller et réguler le secteur, s’adaptera bientôt davantage aux réalités modernes, notamment grâce à la fusion du CSA et de la Hadopi, annoncée par le ministre le matin même.