La Presse au Futur : quelles perspectives pour 2021?

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Ces 2 et 3 février s’est tenu en 100% digital, le festival de la Presse au Futur, réunissant les acteurs du monde médiatique en vue de dialoguer, d’échanger sur différents sujets d’actualité et de partager leur vision sur l’avenir de la presse. MediaSpecs y a assisté et a suivi quelques conférences stratégiques et inspirantes.

Les médias et la concurrence des GAFA, ce n’est pas fini. What else ?

Les plateformes digitales et les médias. « Une thématique qui constitue un enjeu majeur pour les éditeurs de presse et conditionnent leur avenir voire leur survie », constate Didier Falcand, président des Clés de la presse et médiateur pour l’occasion.

Les droits voisins ? Il s’agit d’une longue histoire mouvementée entre Google et les éditeurs de presse qui existe depuis 2019 et qui a encore été marquée par un nouveau rebondissement fin janvier lorsque l’Apig  (Alliance de la presse d’information générale) a signé un accord avec Google dont nombreux des aspects n’ont pas été bien accueillis : « L’accord signé entre certains éditeurs et Google n’est pas conforme à l’esprit, si ce n’est à la lettre, de la loi ».

Aujourd’hui, le bras de fer entre le géant du numérique et la presse continue. L’accord n’est pas le résultat d’un acte de front commun et scandalise certains acteurs du secteur médiatique. Le débat est ouvert…

Pour Jean-Pierre de Kerraoul, président de l’ENPA (European Newspaper Association), cet accord est une bonne nouvelle, bien qu’il ne soit pas encore signé : « C’est la première fois qu’on reconnaît explicitement le droit des éditeurs de presse à la rémunération de leurs contenus. Cela leur ouvre de nombreuses possibilités. Libre aux éditeurs d’apprécier cet accord comme bon leur semble, selon leur propre stratégie. »

Le problème c’est que cet accord soumis par Google à l’Apig – qui n’est pas chargée de contraindre le géant du numérique à conclure d’autres accords- n’inclut que la presse d’information politique et générale (IPG), presse spécialisée et presse magazine étant exclues. « De notre côté nous sommes prêts avec nos dossiers pour négocier avec Google pour les familles de presse que nous sommes supposés représenter », ajoute Jean-Pierre de Kerraoul.

Alain Augé, président du SEPM (Syndicat des Éditeurs de la Presse Magazine) décrit la situation comme un dossier compliqué duquel le géant américain se joue. Il dénonce également le manque de transparence de la part de Google dans cette affaire. Cet accord ne plaît pas. La pilule est difficile à avaler.

« Nous avons compris que Google ne voulait pas reconnaître que les titres non IPG avaient droit à une rémunération. Google ne se dépêche pas et joue énormément de l’obligation de confidentialité, il y a une dissymétrie de l’information qui est très fâcheuse. »

 

Le président du SEPM reste très dubitatif quant à l’implication de Google dans les droits voisins. « En fait, il les reconnaît pour mieux les évacuer et donner une somme très maigrelette aux seuls éditeurs IPG qui font partie d’un plan initial sur lequel les négociations ont eu aucun impact. C’est un montant faible, non évolutif et, en plus, il est en dollars. Cela témoigne de l’irrespect de Google envers ses partenaires presse », s’insurge-t-il.

De son côté, Laurent Berard-Quelin, président de la FNPS, ne comprend pas la notion d’IPG car selon lui, elle n’existe pas en Europe. « Nous avons obtenu un sous-amendement qui indique que la contribution à l’IPG n’est qu’un élément d’évaluation du droit voisin et non une condition sine qua none pour obtenir rémunération. »

Il pointe un problème majeur : la désunion. Et Google a profité de celle-ci. « Nous étions unis. Nous défendions la directive/la loi au niveau français et européen. Est ensuite venue la fragilité de notre front commun. L’Apig a négocié seule. »

Les trois présidents s’accordent à dire qu’il faut raviver le bras de fer avec Google, qui occupe toujours une position « d’abus dominante avec 95% de parts de marché ». Néanmoins, ils gardent espoir et se réjouissent que l’affaire ait redoré le blason des éditeurs de presse. « Nos contenus éditoriaux ont de la valeur. Ils ont enfin été reconnus par la politique et par la société », conclut Jean-Pierre de Kerraoul.

De haut en bas en commençant par la gauche : Didier Falcand, Laurent Berard-Quelin, Alain Augé et Jean-Pierre de Kerraoul.

Crise du Covid-19 : les médias pros accélèrent la transformation

Pour ouvrir la seconde journée de La Presse au Futur 2021, Dorothée Thuot, organisatrice du salon, annonce le début de la conversation autour de la crise Covid, une conférence organisée par le SPPRO (Syndicat de la Presse Professionnelle) et animée par JeanChristophe Raveau, Président de PYC Media et Président du syndicat.

Ce dernier ouvre le débat en rappelant les derniers bouleversements provoqués par la pandémie, à savoir l’annulation de nombreuses actions commerciales ou événementielles et en contrepartie la croissance inédite des réseaux digitaux. « Un certain nombre d’entre nous avons accéléré notre transformation média. Nous sommes aujourd’hui nombreux à chercher la bonne combinaison entre ce qui était pertinent du monde d’avant et qu’il faut conserver, les transformations à poursuivre, et ce que nous devons encore créer », explique toujours Jean-Christophe Raveau.

En réaction à cela, le directeur des pôles industrie et spécialistes chez Infopro Digital, Pierre-Dominique Lucas, confirme qu’il était indispensable de s’adapter et de repenser leur mode de fonctionnement : « La Covid a transformé notre univers. En 129 ans d’industrie, nous avions envisagé une réactualisation, des plans de relances, mais pas de se réinventer de la sorte. Notre job en tant que média B2B c’est d’aider nos médias traditionnels à être chaque jour plus performant et plus adapté. Aujourd’hui, il faut être acteur de la relance. »

Dans la lignée des plans de relance ambitieux, François Rossignol, Directeur Marketing et Commercial chez Livres Hebdo confirme, se réinventer était indispensable : « Il fallait rester en adéquation entre notre offre, le produit que nous proposons, et les attentes du public. Dans notre domaine, nous avons engagé une reconfiguration de la rédaction, intégré de nouveaux métiers en lien avec d’autres types de contenus (webinar, blog, vidéos, …), repensé l’offre média selon les nouveaux besoins et les moments de consommation en exploitant plus notre site et notre newsletter, et bien d’autres choses.

« Globalement, il a fallu se diversifier, faire plus de choses et recomposer notre portefeuille . »

 

Dans le domaine événementiel, la fin du présentiel a marqué un tournant précipité mais durable comme le précise François Jalbert, Directeur des événements chez La Tribune : « Nous devions pouvoir continuer à organiser nos événements. Très vite, nous avons tout digitalisé. C’est désormais intégré à notre domaine de façon pérenne, le digital restera ancré dans notre modèle, en plus d’un retour au présentiel. Finalement, nous avons fait +10% de chiffre d’affaires sur l’événementiel après une brusque baisse dans un premier temps, grâce à une audience conséquente, et un coût de diffusion digitale plus rentable qu’en présentiel sur une installation long terme. L’avenir sera donc physique et digital. »

Le networking a été un sujet plus délicat à la conversion digitale, mais pas impossible à mettre en œuvre : « Nous utilisons des plateformes dédiées, on peut établir des rendez-vous, mettre en contact, créer des conditions virtuelles propices à la communication. Certes, ce n’est pas identique aux rencontres en conditions réelles, mais nous touchons une plus grande audience et créons un environnement propice. » explique Pierre-Dominique Lucas.

En conclusion, la crise du Covid-19 aura poussé à une meilleure exploitation des réseaux sociaux, une accélération de la transition digitale et penser la monétisation de façon nouvelle. Sans aucun doute, cette pandémie a changé le paysage médiatique de façon durable, plus diversifié que jamais. L’émergence de nouveaux outils, une réactivité et une flexibilité générale ont permis de préserver autant que possible les médias pros à la suite d’une transformation imposée.

 

Bonus : les « Conférences applicatives » et le retour aux bases de la communication média

Dans la catégorie « Conférences applicatives » disponible lors de La Presse au Futur et en collaboration avec le salon All for Content, MediaSpecs a sélectionné quelques vidéos indispensables au guide de survie du média moderne. Plus encore depuis la crise du Covid-19, les médias se digitalisent et doivent se distinguer. Retrouvez donc ci-dessous le bonus de notre article ; un condensé de retour aux bases de la communication média.

Créer une newsletter originale, pertinente et engageante – Cyrille Frank, Directeur et Expert UX Design – ESJ PRO

Comme premier retour aux bases, Cyrille Frank nous invite, en un condensé d’une trentaine de minutes que vous pouvez retrouver ici, à revoir ensemble les règles indispensables à la création d’une newsletter originale, pertinente et engageante. La recette est simple, et MediaSpecs vous la résume :

  • Définir son public cible de façon précise en fonction des consommations, besoins, attentes, etc des personas que nous souhaitons toucher.
  • Définir le contenu de l’offre éditoriale répondant à ces profils, créer sa propre « recette »
  • Analyser la concurrence avant de se lancer, afin de se démarquer ou s’inspirer des bonnes pratiques à améliorer. L’utilisation du mapping afin de trouver le créneau où se distinguer, ou d’un tableau de comparaison face à la concurrence peut être utile.
  • Trouver un positionnement éditorial original et pertinent, qui rend service au lecteur au niveau pratique, plaisir, pensée et partage.
  • Valorisez votre présentation (des visuels attractifs, une présentation dynamique ne nécessitant pas forcément de clics supplémentaires, du texte simple, prometteur et bref) et pensez consommation : 81% des lecteurs utilisent un appareil mobile et consulte l’info le matin, tandis que le divertissement arrive après 17h ou durant le week-end.
  • Choisissez bien vos outils qui vous éviterons d’être mis en spam, d’analyser vos résultats, et monitorer efficacement.

Réseaux sociaux et contenu de marque – Anna Rognon-Désirée, Fondatrice de TAKE OFF COLLECTIVE & Sarah Ichi, Directrice Associée Socialy – SPÖKA

Les réseaux sont devenus une évidence à l’heure actuelle afin d’envisager une « communication 360 ». Mais lors de cette présentation digitale (que vous pouvez retrouver dans son intégralité ici), Anne Rognon-Désirée et Sarah Ichi nous proposent de retourner aux bases : à quoi serve les réseaux sociaux, et comment en tirer profit ? La réponse en quelques points :

  • Les réseaux sociaux se formalisent, et sont des outils de notoriété, de partage et de création de conversion ou du trafic. Image et vente coïncident désormais.
  • En tant que marque, le nouvel objectif est de savoir se raconter avec transparence et permettre l’appropriation et le partage du contenu évolutif.
  • Une marque doit être conversationnelle et créer l’interaction avec ses abonnés.
  • Créer davantage de contenus pour diversifier les relations.
  • Les mêmes se sont développés de manière exponentielle en 2020, supplantant les GIFS.
  • TikTok est le réseau social qui a permis le remix de contenus. C’est une plateforme très importante en termes d’engagement.
  • Vers un contenu moins qualitatif et plus dynamique ?
  • Ras-le-bol sociétal : les utilisateurs des réseaux sociaux en ont marre des mensonges. Nous allons vers plus de transparence et de pragmatisme.
  • Les influenceurs sont-ils amenés à disparaître ? Non. Au contraire, ils vont de plus en plus se professionnaliser. C’est un véritable métier et les marques ne peuvent plus s’en passer.
  • Les réseaux sociaux demandent de passer par une ligne et une stratégie éditoriales propres à chacun de ceux-ci avec des codes et des bonnes orientations.
  • La plateforme de gaming Twitch présente un beau potentiel. Il y a beaucoup d’utilisateurs et plein de chaînes (livestream) qui parlent de tout et de rien. Sponsors, collaborations et annonces publicitaires y sont possibles.

De gauche à droite : Anna Rognon-Désirée et Sarah Ichi.