Les députés ont durci jeudi l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, et renforcé la lutte contre le « blanchissement écologique », tout en restant en deçà des demandes de la gauche mais aussi de certains dans la majorité.
Un amendement de la co-rapporteure Aurore Bergé (LREM), adopté en séance, interdit la publicité pour la « commercialisation et la promotion » des énergies fossiles, alors que le texte initial ne mentionnait que la « vente ».
Un autre amendement de Mme Bergé renforce les sanctions en cas de non-respect de cette interdiction, qui pourraient atteindre un montant correspondant à la totalité des dépenses consacrées à l’opération délictueuse, au lieu de la moitié comme initialement prévu.
Ces dispositions figurent à l’article 4 de ce projet de loi visant à « lutter contre le dérèglement climatique », en première lecture à l’Assemblée nationale, dont le gouvernement veut faire un marqueur du quinquennat.
La droite a dénoncé un article qui pourrait priver des secteurs comme les médias ou les associations sportives et culturelles d’importantes ressources publicitaires. Des élus LR comme Julien Aubert ont également déploré que le gaz naturel soit mis sur le même plan que le charbon ou le pétrole, alors qu’il génère moins de CO2. La gauche et certains députés de l’aile la plus écologiste de la majorité ont à l’inverse plaidé en vain pour un tour de vis sur la publicité automobile, notamment celle en faveur des véhicules les plus polluants.
Mme Bergé a pointé un « risque important pour les médias », déjà très fragilisés par la crise sanitaire, le secteur automobile constituant leur deuxième source de recettes publicitaires. Elle a également souligné que cette publicité était désormais très largement consacrée aux véhicules les plus propres, électriques ou hybrides.
Le WWF a déploré que l’Assemblée ne soit pas allée plus loin : « la proposition du gouvernement d’interdire la publicité des énergies fossiles n’a de sens que si on inclut les produits qui polluent et qui consomment ces énergies fossiles », en particulier les SUV (4X4 urbains) les plus lourds, selon l’ONG dans un communiqué.
La Convention citoyenne pour le climat, qui a inspiré les mesures de ce projet de loi, avait aussi proposé des limitations fortes de la publicité.
Les députés se sont par ailleurs attaqués au « blanchissement écologique » (« greenwashing »), en assimilant à une « pratique commerciale trompeuse » le fait d’attribuer à un produit des vertus environnementales fallacieuses. Cette « meilleure définition » vise « ceux qui veulent faire passer des vessies pour des lanternes », a déclaré la ministre Barbara Pompili. Les parlementaires ont aussi durci les sanctions correspondantes, qui pourront atteindre 80% des dépenses engagées.
Ils ont en outre interdit, dans une publicité, « le fait d’affirmer à tort qu’un produit ou un service est neutre en carbone » ou « dépourvu de conséquences négatives sur le climat ». Et ont rendu obligatoire l’affichage dans la publicité en faveur des voitures et de l’électroménager de leur classe d’émissions de dioxyde de carbone (A à G).
Dans la soirée, les députés ont adopté l’article 5 qui prévoit la promotion par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de « codes de bonne conduite » pour les publicités audiovisuelles sur « des biens et services ayant un impact négatif sur l’environnement ».
A gauche, Mathilde Panot (LFI) a relevé que « les engagements volontaires n’ont jamais mené à rien », critiquant de la part du gouvernement une « écologie de la caresse envers les lobbies ». La droite s’est aussi opposée à la mesure, mais pour d’autres raisons, ne voulant pas « alourdir le système français » avec des objectifs « non négociés » et « sans visibilité » pour les secteurs concernés. Mme Pompili a pour sa part défendu des « premiers engagements prometteurs » de filières comme l’automobile et l’agroalimentaire, jugeant que « la méthode de corégulation retenue est bonne ».
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté vendredi les dispositions de la loi climat donnant aux maires un pouvoir de « police de la publicité », y ajoutant un délai d’adaptation de deux ans pour les écrans lumineux en vitrine, sujet d’inquiétude pour de nombreux commerçants. L’article 6, voté dans la matinée, prévoit d’augmenter les pouvoirs des maires pour la réglementation des espaces publicitaires dans leur commune. Les oppositions sont montées au créneau pour accuser l’Etat de se défausser sur des élus locaux disposant de peu de moyens pour faire face à ces nouvelles responsabilités. Gouvernement et majorité ont en revanche souligné que les maires étaient mieux placés que quiconque pour évaluer les situations sur le terrain.
Erwan Balanant (MoDem) a appelé à faire confiance « au bon sens local ». Le débat a pris une tournure très concrète avec les enseignes lumineuses situées à l’intérieur des vitrines des commerçants, mais visibles de la rue, que les collectivités pourraient réguler au même titre que celles situées sur la voie publique. Un assouplissement a été introduit par la co-rapporteure LREM Aurore Bergé, avec un amendement offrant un délai de deux ans aux commerçants pour s’adapter à de nouvelles règles locales sur ces écrans. « Il faut lutter contre cette pollution lumineuse » mais une interdiction générale pourrait apparaître « disproportionnée » au Conseil constitutionnel, a estimé la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili.
Enfin, le petit avion à hélice traînant une banderole de supermarché au-dessus des plages appartiendra sans doute bientôt au passé. L’Assemblée nationale a voté vendredi l’interdiction de cette forme de publicité à l’horizon 2022. La mort programmée de cette activité a été approuvée en première lecture par les députés qui examinent le projet de loi « climat et résilience ». L’article 8, reformulé par un amendement, prévoit que « la publicité diffusée au moyen d’une banderole tractée par un aéronef est interdite ». Un autre amendement apporte un délai de grâce jusqu’au 1er janvier 2022 pour « donner de la visibilité » aux petites entreprises qui composent ce secteur.
Source: AFP.